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23/11/2008

La Grande Gaufre (01)

Tableau 1:"L'irrésistible ascension"

« Le cycle d'obsolescence des ordinateurs est devenu si rapide, que dans les hypermarchés informatiques du futur, il y aura des décharges justes en face des caisses enregistreuses. », Dave Barry

0.jpg

Le survol de l'histoire officielle des 40 premières années de l'informatique se passa, au départ, par la mécanographie.

Reprenons quelques chiffres du bouquin d'histoire du GM qui commençaient en 1945 et s'achevaient vers 1995.

Le coût horaire moyen d'un employé administratif et la capacité de stockage, deux méthodes pour évaluer la réduction du prix pour le traitement de l'information et les performances entre deux domaines distincts.

0.jpgEn 1945, le coût horaire d’un employé modèle équivalait à 1000 opérations arithmétiques sur la calculatrice électromécanique et en stockant 150 fiches imprimées. Le prix d'acquisition d'un ordinateur d'alors était amorti sur 9000 heures.

En 1960, cette même heure de travail correspondait, déjà, à l'agitation d'1,4 millions d'instructions ou de 5 millions de caractères sur disque magnétique.

En 1980, l'équilibre dans la balance "énergétique" s'établit avec quelques 250 millions d'instructions et 40 millions de caractères, pendant 5 heures.

En 1995, le même calcul mais, pour 3 milliards d'instructions et 1 milliard de caractères archivés.

0.jpgDepuis, l'exponentiation a continué de plus belle. La taille des machines s'est réduite sans rien perdre en efficacité.

Dès le début de l'ère informatique, l'algèbre booléenne rentrait dans la cour des grands après une longue période de sommeil. Herman Hollerith n'avait pas encore reçu les honneurs dus à son rang avant cette entrée fracassante dans l'informatique. Le 2 juin 1890, Hollerith crée la première machine à cartes perforées. Objectif, recenser la population. Inspiré par les métiers Jacquard, Hollerith qui travaille dans le recensement, invente une machine électro-magnétique qui utilise des cartes perforées. Comme elle est dix fois plus rapide que ses concurrents, il remporte le concours en 1889 lancé par la ville. Après quelques passages de noms de société, le nom IBM en ressortira.

0.jpgBig Blue, IBM, fête son 100ème anniversaire en 2011. La société CTL (Computing Tabulating Company) est en effet créée en 1911. On la rebaptise en 1924 par IBM (International Business Machine). Elle vend d'abord des horloges industrielles, des tabulateurs. En 1944, c'est Mark1 qui sort en tant que calculateur analytique électromagnétique. En 1945, Mark2 apporte ses circuits en grilles. Le mot "bug" est né à cette époque à cause d'un insecte qui grille les circuits et provoque une panne. En 1953, le Modèle 650 sort d'usine et c'est le mot "ordinateur" qui prend jour en France. En 1956, le fondateur Watson meurt. Tom, son fils, reprend l'affaire. En 1957, le RAMAC 305 sort le 1er disque dur (50 disques magnétiques et 50 Mbytes de contenance), le Fortran devient le langage scientifique. Tout s'emballe ensuite. L'âge d'or verra son apogée en 1985. Microsoft et Intel lui volent la vedette. n 1993, ce sont 8 milliards de pertes. En 2002, une renaissance se présente la tête dans les nuages (cloud computing) et les pieds en Asie.   

John Atanasoff avait construit le premier ordinateur électronique, nommé ABC (Atanasoff-Berry Computer) en utilisant le système binaire. L'ENIAC (Electronical Numeral Integrator And Computer), développé par Eckert, Mauchly et von Neumann, considéré comme le premier ordinateur, se voyait détrôné de cette première place après un procès en 1970. Elle contenait 18.000 lampes. Poids total 30 tonnes. 150.000 Watt de consommation. Vitesse : 5.000 additions ou 300 multiplications ou 40 divisions par seconde avec 200.000 Hz. Le contexte, l'armement nucléaire pour évaluer plus rapidement les tables balistiques.

Recenser la population américaine avait de quoi énerver par son côté mécanique et peu glorifiant de l'époque. Pour établir des statistiques, des cartes perforées Hollerith avaient déjà été utilisées dès 1890. Autre chance pour l'ENIAC.

L'information allait résider cachée dans des trous ! En 1951, UNIVAC était le nom de cette machine à statistiques. Le département de la Défense n'était pas loin du développement.

Le génial mathématicien, Alan Turing fonde la science informatique et  avec sa "machine de Turing", le Colossus ou Enigma, permet de casser les codes secrets allemands pendant la seconde guerre mondiale. Une article "Computable Numbers with an Application to the Entscheidungsproblem" le met en piste avec un algorithme qui s'exprime dans le langage formel pour donner une réponse par "vrai" ou "faux" aux expressions mathématiques et à la pensée abstraite de la logique. Il a l'idée de l'universalité d'une machine pensante, en véritable "computerwizz", qui pourrait servir pour tout. Le "test de Turing" lui permet d'aborder l'Intelligence Artificielle. Il crée le premier programme pour jouer aux échecs mais, face à une machine trop lente, ne lui permettra pas d'arriver à ses fins. Il meurt à 42 ans en croquant une pomme empoisonnée au cyanure. Cette pomme se retrouve-t-elle dans le logo de Apple? Peut-être, pas officiellement. Il faut garder des légendes. Une statue lui a été dédiée en 2002 à Manchester. On peut y lire, gravé : "Lorsqu'on les considère avec justesse, les mathématiques ne possèdent pas seulement la vérité, mais aussi la plus grande beauté, une beauté froide et sévère comme celle d'une statue".

Peut-on tout calculer? Un question à son sujet dès le départ.

En 1948, John Bardeen, William Shockley et Walter Brattain inventent les transistors. En 1958, Jack Kilby les insère dans des circuits intégrés.

Dans les années 70, les États ont accompagné et contribué mais sans s'impliquer dans la construction elle-même de ces nouveaux bolides véhiculant l'information. Sage précaution, peut-être, vu la complexité, les mutations incessantes et la rentabilité dégressive dans le temps.

Un peu plus tard, seulement quatre entreprises se partageront le marché: IBM, Remington Rand, Bull et ICL.

L'ordinateur relié à l'homme par l'intermédiaire des cartes perforées ou de bandes magnétiques suivant le choix de l'entreprise en fonction des fournisseurs de périphériques.

La progression de cette industrie va dépasser toutes les espérances de l'imagination. RCA, Honeywell, NCR, Burroughs, Control Data, Siemens, Nixdorff, Wang, Olivetti, Digital vont entrer dans la danse, dans un marché dont il semblait y avoir de plus en plus d'avenir mais dont on sous-estimait les budgets de développement pour venir à bout de la complexité. "Semblait" car personne n'en était convaincu.

Le 1er numéro de la revue d'informatique Datamation, parue en 1957, ne contient aucune publicité pour une marque d'ordinateur. A l'intérieur de ses pages, des connecteurs, des câbles, des oscilloscopes seuls ont ce privilège. L'Université de Chicago va construire un "analogic computer". Cela intéressera le secteur des télécommunications, sans plus, pendant un demi-siècle. Les impulsions éclectiques et électroniques sont utilisées pour calculer par l'intermédiaire de graphiques. Mais étant trop spécialisées et avec une précision douteuse, elles disparaissaient pour d'autres utilisateurs, plus tournés vers la comptabilité et la précision. Première opposition entre analogique et numérique qu'on appellera ensuite la "fracture numérique".

Le patron de RCA parlait déjà d'input pour les machines par l'intermédiaire de la voix. Troublant quand on reconnaît les problèmes de ce côté, encore aujourd'hui.

Les concepts de données à l'entrée, de mémoire, du processing interne et des résultats imprimés concentraient toutes les applications contrôlées par la suite logique d'un programme mémorisé, prêt à répéter indéfiniment la même séquence d'instructions, avant de trouver sa sortie. La période de mécanographie programmait ses programmes par l'intermédiaire de fils électriques enfichés dans un tableau et passaient au travers de tabulatrices. Un programme par tableau. Ensuite, par programmes intégrés dans la machine sous formes d'instructions enregistrées, les tores de ferrites constituèrent, dès lors, la nouvelle mémoire interne.

En Europe, l’année 1958 a vu les premières machines IBM de manière plus distrayante. L'Expo Universelle 58, à Bruxelles, ouvrait cette ère du virtuel. On comptait encore en gain dans le domaine du calcul pur avec vue sur la comptabilité. Le progrès de la puissance du calcul donnait le tournis aux visiteurs de l’Expo. On gagnait la confiance pour un futur enchanté. Dans le même temps, la machine faisait peur au management des premiers utilisateurs, au point d'être rejetée dans la plus grande panique, peur de ne plus pouvoir assumer le travail d'antan.

0.jpgBeaucoup de comptables, « rond de cuir », d'employés de l'administration ont disparu avec la peur de ce lendemain qui effrayait, avec ces machines du diable, poussés par la direction. Bouleversements, convoitises se sont succédés à un rythme de plus en plus accéléré.

Mécanographie, facturières, traitements de textes étaient bien dissociés sur des machines différentes. 
0.jpgTous les secteurs de l’entreprise et de la science vont pourtant se recentrer et adopter une machine unique aux fonctions multiples.

Véritable tournant de l'histoire de la mécanisation pré-informatique, le 1401 d'IBM, ordinateur à transistors, allait faire sensation au niveau du nombre inattendu de commandes avec des délais de livraison qui s'allongeaient sur 2 ans.
Des migrations, vers cette machine, se pressèrent grâce à une programmation relativement simple mais limitée de cette machine louée souvent à titre précaire. Mémoire : 1400 caractères ou mots extensibles à 4000, sans Operating System, câblés dans des circuits électroniques. Fonction principale : imprimante évoluée. Les concurrents vont, alors, réaliser les premiers "systèmes compatibles" avec un peu plus de mémoire. Un exode partiel s'en est suivi au niveau clientèle et personnel. Rien de grave, pourtant.

0.jpgEn 1964, l'IBM 360, compatibles entre modèles, avec ses circuits intégrés, ses logiciels interchangeables et ses périphériques, fut la première machine à faire le travail de complémentarité abordant à 360° la plupart des problèmes de gestion. Complète et aussi extensible en fonction des besoins grandissants des clients, cette machine révolutionnait en remplaçant toutes les précédentes trop spécialisées. Le succès fut total et inespéré. On allait s'arracher ce 360 avant les autres.

Une conspiration du silence allait seulement permettre ce succès. Si le hardware était bien beau, le software l'était beaucoup moins. Inachevé, ce dernier allait d'ailleurs faire partie du prix de la machine, faute de mieux. Les programmes étaient inclus ou à développer, à installer en même temps que la machine avec les concours des clients. Le client était devenu, une première fois, l'otage compatissant du fournisseur.

Dès lors, la concurrence allait se sentir obligée de se rendre compatible avec ce fameux "360" pour espérer attaquer une part du marché.

Siemens 4004, Univac 1100, le CDC 6600, B2500 de Burroughs...et autres (r)évolutions, des mini costauds, mais qui en font un maximum, le PDP8 de Digital Equipment associé à l'industrie suivait dans cette bagarre. Les applications "clé sur porte" se pontaient à l'horizon.

Les machines étaient louées à l'année pour rester abordables financièrement pour le client mais aussi pour rester dans la course du progrès qui évolua à vitesses soutenues par la force explosive de calcul et concrétisées aussi par les rentrées d'argent dans les caisses du constructeur.

Des clients, se sentant, tout à coup, trop liés aux locations, toujours plus chères, entamèrent des procès en justice pour pouvoir acheter le matériel. Bon ou mauvais calcul ? Ce qui était plus gênant, c'est que certains équipements "exotiques", disques, bandes magnétiques, commençaient à se greffer sur cette machine de base louée en s’y intégrant plus ou moins bien. Les premiers compatibles se furent les périphériques.

IBM devait réagir. Il fallait fidéliser. Les concurrents se faisaient de plus en plus agressifs. Répondre aux procès anti-trust qui commençaient à tomber, devenait impératif. Lancé le culte d’IBM dans la tête des représentants de la firme et, par ricochet, dans celle des clients. L'image avec le son de la renommée. Le choix d'un constructeur comme IBM se faisait à base de publicité, de matraquage médiatisé. Une réputation parfois surfaite mais qui se perpétrait par une vénération en interne et en externe à la firme.

L'unbundling (le dégroupage de la machine, des programmes et des services) sauva une partie des "meubles", du hardware. Ce qui était gratuit et compris dans le prix auparavant, allait devenir, tout à coup, payant. Le client remarquait bien que l'ardoise de tous ses besoins dépassait le "bundling" (machine et programmes), mais le pli était pris. Le software prenait, tout à coup, du galon dans la configuration par l'entremise de licences pour compenser le manque à gagner.

En 1968, un procès anti-monopole, anti-trust, essaya d'effacer cette caricature de "Blanche Neige et les sept nains" d'IBM avec Burroughs CDC, GE, Honeywell, NCR, RCA, UNIVAC. Ceux-ci se rendaient progressivement compte que les places étaient devenues chères et que les investissements ressembleraient à la grenouille qui voulait se faire aussi grosse que le bœuf.

Mais, le thriller ne faisait que commencer dans les hautes sphères.

Dans le prochain épisode, flash-back sur la vision par le bas de l'échelle, celle des informaticiens et de ss utilisateurs.

Contrairement à celle des constructeurs d'équipements, je pourrais la surnommer d'"L'âge d'or".

(Les photos ont été prises dans le Musée de l'Informatique constitué chez Unisys à Bruxelles)

Commentaires

Que de souvenirs ressurgissent en lisant ça .....:-)
Le NCR 500 sur lequel j'ai découvert les ordis et la programmation... Cela a orienté toute ma vie. On l'appelait la "casserole" à cause du boucan. Car c'était une machine comptable électromécanique à laquelle on avait greffé un ordinateur + un lecteur + un perforateur de bandes-papier. Un monstre hybride. Un lourde console avec des barres à taquets pour les tabulations permettait de lire des fiches de cartons avec bandes magnétiques incorporées. Ces fiches étaient les fiches comptables sur lesquelles on imprimait les comptes communaux ( Etterbeek 1973 )
La mémoire de tores de ferrites du "buffet" qui contenait le processeur faisait 400 "cellules" à 12 positions décimales, extensible à 800. Quand on soulevait le capot on voyait bien les 4 plaques ( grandes comme des 33t ) de fils de cuivre croisés. C'était la mémoire.
Le langage comprenait 20 instructions en code décimal. Aussi basiquement simple que génial, car on pouvait, et devait même, y faire du langage auto-modifiant. Càd des instructions qui modifient le code d'autres instructions avant de repasser dessus.
Je me suis amusé comme un petit fou avec ça. J'avais 19 ans et après un 1er essai réussi, le boss m'a laissé réécrire tous les programmes de la compta. C'était de "vieux" :-) fonctionnaires qui avaient d'abord programmé ça avec l'aide de NCR. Ils l'avaient fait surtout hyper-simple pour ne pas se planter. Le plantage était la hantise. Puis, moi je débarque avec mes 19 ans, en ayant appris les échecs à l'âge de 5 ans. J'ai de suite adoré le jeu. Je te raconte pas comme les programmes ont changé, et pour le bonheur de tous, vu qu'il y avait moins de boulot du coup :-)

Je lis le tableau 2 maintenant

Ecrit par : TALL | 13/08/2008
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Salut Tall,

Je savais que cela allait réveiller les vieux de la vieille de l’informatique.
Comme je l’ai dit ailleurs, je commence par parler des « meubles » mais comme tu peux trouver cela dans le lien que j’ai mis dans la préface, ce n’est que le fil rouge de mon histoire.
Quand j’ai fait ma sortie, j’ai créé une pièce de théâtre en 4 tableaux « Rock around the clock » dont l’un d’entre eux rappelait nos péripéties matérielles. J’avais déjà le projet d’aller plus loin. De gratter un peu.
Tu parles de positions décimales, n’était-ce pas hexadécimales si pas octales ?
J’ai travaillé sur machine Cogar. Machine à bytes et les 8 bits étaient utilisés en compressé. 4K au départ. Un MOVE se faisait par une boucle, caractère par caractère. On a fait un simulateur d’Assembler 360, avec lui. Ensuite, un RPG et un COBOL construits avec le premier. On appelait soft de base.
La réentrance était tout un problème dans les sous-programmes.
J’ai encore quelques années de vol en plus, mais la mémoire est encore là.
15 tableaux t’attendent.

Ecrit par : L'Enfoiré | 13/08/2008
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Non, le codage des instructions se faisait bien en décimal. J'ai encore la plupart des codes en tête ( insert = 12..., shift = 13, etc.. ). Mais sans doute qu'à l'intérieur, c'était en hexa, mais ça, on ne le voyait pas. Donc, ils perdaient des positions utiles en interne, je suppose.

Ceci dit, après ça, ayant assez vite quitté la commune en 79 ( ce n'était pas mon choix d'y entrer non plus, voir le père ) j'ai bifurqué vers des microcosmes très différents. Une vie de dingue qui a été des courses de chevaux à la menuiserie décorative en passant par Bob Denard, la taule et l'univ'. Tu vois le genre de moules et frites ? :-)

A l'univ, en licence informatique ( ULB '85 ), je me suis marré à faire un peu d'auto-modifiant avec un langage qui n'était pas prévu pour. Une astuce avec un return-jump dans un langage-assembleur dont j'ai oublié le nom. Le pauvre assistant-correcteur ne voyant rien du processus sur le listing devenait fou. Le prof, lui, ça l'amusait. :-)

Enfin et surtout, je n'ai jamais abandonné à travers tout ce parcours de dingue ma recherche-"hobby" en IA... et c'est ça l'important pour moi aujourd'hui.

Ecrit par : TALL | 13/08/2008
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Écrit par : L'enfoiré | 03/12/2008

Voilà commet on pensait que le Home Computer serait en 2004

http://www.ensuran.org/divpics/randcomputer.htm

Écrit par : L'enfoiré | 02/02/2010

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